1er dimanche de carême

« Pas seulement de pain… »

Aimez-vous le combat ? Car c’est un combat qui a commencé mercredi; toute l’Eglise a prié pour « commencer notre entraînement au combat spirituel ». Quelques-uns ont l’instinct bagarreur, mais la plupart préféreraient éviter, se voient déjà déclarer forfait, ont peur d’avoir mal ou de finir essoufflé sur le banc. Or nous avons tous besoin d’y entrer, parce qu’il n’ y a pas d’autre chemin vers la vraie joie. Tant que quelque chose, quelqu’un, nous barre cette route, il faut l’affronter.

Et le cœur du combat, c’est de vraiment aimer Dieu, donc de le préférer. D’éviter de passer à côté parce qu’on serait trop attaché à d’autres occupations. Le cœur de la tentation est bien cette « mise à l’écart de Dieu, qui face à tout ce qui dans notre vie apparaît plus urgent, semble secondaire, voire superflu ou ennuyeux. » La tentation, pour nous comme pour Jésus, se présente comme le vrai réalisme, où l’homme se débrouille sans Dieu. Car en comparaison du pain, du pouvoir, du prestige, les choses de Dieu apparaissent comme un monde secondaire dont on n’a pas vraiment besoin Or, « là où Dieu est considéré comme une grandeur secondaire que l’on peut écarter temporairement ou complètement au nom des choses plus importantes, alors ces choses supposées plus importantes échouent aussi. » (Benoît XVI).

C’est un fruit croqué qui symbolise le péché originel. Et selon saint Augustin, puisque nous nous sommes détournés de Dieu en nous tournant vers les nourritures, nous faisons notre retour à Dieu en nous détournant des nourritures. Donc Jésus jeûne, en disant « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Et donc, nous jeûnons. Pour mesurer nos dépendances, pour affiner nos désirs, pour nous libérer des pollutions du gavage, pour partager, mais surtout pour goûter la proximité de Dieu. Voilà ce que permet un jeûne chrétien, quand il est associé à la prière et à l’aumône.

Aujourd’hui, bien des gens veulent combler un vide religieux, et pratiquent le jeûne. Les raisons sont parfois égocentriques, maigrir, « avoir la ligne», celle qu’impose la publicité. Ou, moins superficiel, se débarrasser de toxines, en voyant bien que nos rythmes de vie et nos rythmes alimentaires sont liés, et nous « surchargent ». Le jeûne vient de cette évidence qu’il y a un lien entre le corps et l’esprit. Toutes les religions l’ont mis à l’honneur. Ne perdons pas ce trésor, ne l’abandonnons pas aux pratiques « à la mode ». Au moins, ces courants actuels nous rappellent que le jeûne n’a rien d’impossible (c’est même assez facile) et qu’il n’est pas principalement une souffrance, mais au contraire un bienfait. Mais, différence radicale, c’est d’abord pour Dieu que nous voulons jeûner, par fidélité et amour pour Lui. Donc voici…

Quelques conseils pratiques :

  • Choisissez deux jours dans la semaine. Par exemple le mercredi et vendredi.

  • Ce jour-là, prenez un seul repas complet. Celui que dictent vos contraintes de la journée. Et à la place des deux autres, ce qu’on appelle une collation, soupe ou fruit ou salade, ou pain… ou un bol d’air, si c’est réaliste.

  • Le temps habituel du repas sera pour la lecture ou la prière, posé ou en marchant…

Pourquoi pas avoir des « alliés » qui vont aussi jeûner les mêmes jours ? S’encourager, pour ne pas trop se prendre au sérieux et mettre en œuvre la communion des saints.

Bien sûr il faudra éviter avec soin de se prendre pour un champion, ou pour un nul. Mais au moins essayons vraiment (plusieurs fois !) le jeûne, pour notre joie. Bon carême !

Don Enguerrand de Lorgeril + vicaire