Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, prends des leçons de karaté !
Ce n’est pas exactement ce que dit Jésus dans le sermon sur la montagne, mais c’est peut-être ce que nous préférerions entendre. Tendre l’autre joue passe encore quand la gifle reçue est justifiée, mais dans une situation de réelle injustice (une insulte gratuite, un licenciement arbitraire, une contravention imméritée, etc.), cette parole du Christ a quelque chose de révoltant. Faut-il comprendre que le Chrétien doit subir les événements, prendre systématiquement une position de victime dans un monde qui peut être violent ?
Il suffit de lire en parallèle quelques lignes de Saint Paul, pour se rendre compte que le « consensus mou » n’a rien d’évangélique. Cet apôtre infatigable de l’Evangile emploie en effet facilement un vocabulaire guerrier : combat de la foi, couronne, prix, armure de Dieu, compagnon de combat, victoire du Christ, lutte, exercices, course, etc. Saint Paul – et avant lui Jésus – ne nous invite pas à subir comme un « souffre-douleur » les injustices. Au contraire, il nous appelle à une forme de combat contre le mal : le combat de la charité.
La meilleure arme dans cette lutte est de répondre au mal par le bien. La loi du Talion répondait au mal par le mal : Œil pour œil, dent pour dent. La loi de l’Evangile dépasse ce principe par la force surnaturelle de la charité : si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. Combien de geôliers et de bourreaux dans l’histoire de l’Eglise se sont convertis devant des chrétiens condamnés à mort injustement, à cause de leur foi, mais qui ont accepté cette injustice par amour des hommes ? A commencer par le centurion après la mort de Jésus (Lc 23, 47) ou le geôlier de Paul et Silas dans le livre des Actes (Ac 16, 25-34). La charité, quand elle se déploie réellement, déconcerte l’ennemi et emporte toujours la victoire !
Faut-il comprendre qu’il ne faut jamais réagir devant l’injustice ? Non. L’exigence de la vérité suppose aussi la fermeté. Au nom de la charité, il est parfois nécessaire de faire entendre sa voix, comme le Christ l’a fait lors de controverses virulentes avec les pharisiens (Mc 2, 1-3, 6) ou en menaçant vivement le démon (Mc 4, 39). Nous nous souvenons aussi de sa colère devant les marchands du temple à Jérusalem (Jn 2, 13-25). Mais les réactions de Jésus dans l’adversité ne sont jamais dominées par la passion. Son cœur, même dans la lutte, ne cesse de chercher le meilleur pour l’autre.
L’exemple du Christ nous aide à réagir dans l’adversité selon l’esprit de l’Evangile : Est-ce un sentiment de vengeance qui m’habite ? Est-ce l’Esprit-Saint, dont les fruits sont la bienveillance et la maîtrise de soi, qui m’anime ? Ma parole apporterait-elle un bien plus grand ? Dans le doute, il est souvent plus prudent de se taire plutôt que d’avoir une réaction pulsionnelle et excessive. Que l’Esprit-Saint nous donne l’audace de choisir toujours le bon combat, celui de la charité. C’est le défi chrétien !
Don Antoine, † vicaire