Edito du 1er dimanche de Carême

Pénitence ! Pénitence !

Le mot « pénitence » provoque souvent dans l’inconscient collectif une certaine répulsion et nous le considérons parfois comme un terme suranné ou excessif. Il peut nous faire penser aux confréries de pénitents de la fin du Moyen-Âge et leur grande cagoule ou aux pratiques jansénistes exagérées du 17ème et 18ème siècle. Pourtant, chaque année, le carême s’ouvre pour toute l’Eglise par le geste de l’imposition des cendres, comme un signe manifeste de pénitence. De quelle pénitence s’agit-il ? Comment la pratiquer aujourd’hui ?


Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta miséricorde, efface mon péché.
Le psaume 50, composé par le roi David après l’adultère accompli avec Bethsabée et la mort provoquée de son mari, nous révèle avec beaucoup de justesse ce qu’est d’abord la pénitence : une disposition intérieure du cœur. La conscience claire de son péché et de sa laideur, le désir de changer de vie, la confiance dans la miséricorde du Seigneur et la joie anticipée du salut, tous ces sentiments exprimés par David se vivent d’abord dans le secret du cœur.  Ils sont accompagnés d’une douleur et d’une tristesse salutaires que la Tradition appelle l’affliction de l’esprit ou le repentir du cœur. Le carême est un temps privilégié pour nous laisser habiter par ces sentiments de l’âme.

Mais pourquoi nourrir dans notre cœur de tels sentiments ? N’est-ce pas un peu culpabilisant ? Selon la théologie classique élaborée par Saint Thomas d’Aquin, la pénitence est une vertu qui incline au regret des péchés non pas pour se déprécier ou par crainte des supplices éternels, mais uniquement parce que le péché est une offense faite à Dieu. Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait exprime avec tristesse David. La pénitence est donc liée à la notion de justice. Nous avons par notre péché une dette envers Dieu. Bien que cette dette soit impossible à combler en raison de l’abîme infini qui nous séparera toujours de lui, la pénitence intérieure nous situe dans un juste positionnement et éveille en nous le désir de croître dans notre amour pour lui par une vie de plus en plus fidèle.

Comment s’exprime cette pénitence intérieure ? Par des actes concrets très variés, qui sont comme un débordement du cœur. L’Eglise en recommande particulièrement trois : le jeûne, la prière, l’aumône qui expriment la conversion par rapport à soi-même, par rapport à Dieu et par rapport aux autres (CEC 1434). Le Christ, lui, n’a pas besoin de se convertir et n’a pas de dette envers son Père. Il nous a cependant montré l’exemple par son expérience de jeûne au désert et par toute sa vie de prière et de don de soi. Il existe par ailleurs une multitude de façons d’exprimer la pénitence intérieure : une méditation personnelle du chemin de croix, un pardon demandé, l’offrande d’une peine pour une personne de notre entourage en difficulté, un service un peu ingrat et caché, etc … Comme le roi David, nous pouvons demander au Seigneur que l’Esprit généreux [nous] soutienne, qu’il nous rende inventifs dans notre manière de faire pénitence.

Que ce carême 2017, nourrit de la sagesse et la profondeur du psaume 50 que l’Eglise ne cesse de chanter tous les vendredis à l’office des laudes, soit pour nous l’occasion de grandir dans la vertu de pénitence pour que soyons toujours plus fils du Père. Un petit moyen simple pour cela est de recopier le psaume 50 et d’en faire notre prière du soir ou du matin…pendant 40 jours !

Don Antoine, † vicaire