8ème dimanche du Temps Ordinaire

Enlève d’abord la poutre qui est dans ton œil !

Jésus nous demande de ne pas juger les personnes. Mais il nous demande de discerner. Jésus ne dit pas « ne réfléchissez pas, soyez aveugles, confondez tout, acceptez tout». Rien n’est plus contraire à l’esprit de Jésus que de renoncer à identifier, à nommer, à distinguer.

La porte d’entrée du bonheur, c’est la liberté intérieure. Et la porte d’entrée de la liberté intérieure, c’est le discernement. C’est pourquoi Jésus veut nous apprendre à voir vraiment. Voir le danger pour l’éviter (le trou qui menace nos deux aveugles), voir ce qui fausse notre jugement (la poutre), voir ce qui est authentiquement divin dans la vie et les préceptes des hommes (le fruit et l’arbre).

Les apparences, mais aussi les opinions courantes, et encore notre imagination, nos sentiments, dévient notre perception des choses et faussent notre jugement. Le nageur insouciant se rend-il compte trop tard qu’un courant l’entraîne au large ? Quels efforts faudra-t-il déployer pour revenir ! Nous sommes nous aussi facilement emportés par des courants imperceptibles, jusqu’à pouvoir nous retrouver piégés. C’est pourquoi discerner et juger, dire « c’est juste » ou « c’est injuste », « c’est conforme à l’enseignement du Christ et de l’Eglise » ou « ça ne l’est pas », dire « c’est divin » ou « ce n’est qu’humain » est le premier pas pour être sauvé. Car si l’on demande : de quoi avons-nous besoin d’être sauvés ? Nous pouvons répondre pour commencer : de nos jugements incorrects sur la réalité, sur la vie, sur Dieu. Ces erreurs de jugement conduisent à pécher, et le péché conduit à la mort.

Nous nous souvenons tous de l’origine de la récente crise économique : des prêts consentis sans garantie à des personnes incapables de rembourser, si bien qu’une économie mondiale fonctionnait sur du vide. Les apparences étaient trompeuses, le désenchantement radical. Là où tu investis, tu t’engages ; là où tu t’engages, tu seras rétribué. Quel danger de bâtir sur du sable, ou de confier son sort à quelqu’un qui n’est pas un disciple de Jésus !

Il y a des maîtres estimés du grand public mais à l’enseignement creux, des imposteurs, des gourous et des pervers. Méfiance. Mais le plus gros risque est en nous : précipitation, présomption, haute idée de nous-mêmes, suffisance, lâcheté, imagination. C’est tout cela qui nous empêche de voir, de nommer et de décider.

Jésus nous invite à nous entraider beaucoup, mais en commençant par être exigeant (voire sévère) avec soi-même : enlève d’abord la poutre qui est dans ton œil. Jésus est crucifié sur deux poutres. En jetant un œil au crucifix, pensons que lui seul nous rend la vue.

Don Guillaume Chevallier + vicaire