32ème dimanche du Temps Ordinaire

Soldat du Christ, soldat pour le Christ !

En ce 11 novembre où nous fêtons Saint Martin de Tours, il est intéressant d’oser faire un parallèle entre celui qui a quitté son uniforme de soldat pour être tout au Christ, et ceux qui ont laissé leur paroisse pour reprendre l’uniforme militaire, prêtres mobilisés par cette guerre 14-18 dont nous commémorons le centième anniversaire.

Saint Martin a 15 ans lorsqu’il est enrôlé dans l’armée. Fils de militaire et de famille païenne, son chemin était tout tracé, il reste soldat pendant 23 ans. Mais une étape vient marquée sa vie lorsqu’il a 18 ans : comme il se trouve en garnison à Amiens, il découpe son manteau en deux pour offrir la moitié qui lui appartient (l’autre étant la propriété de l’empereur) à un pauvre grelottant de froid. La nuit suivante, il voit en rêve le Christ revêtu de la moitié de son manteau. C’est ce qui pousse Martin à demander le baptême. Quittant la vie militaire pour la vie monastique, Martin ne perd pas l’esprit du soldat. Il est toujours aux premières lignes pour combattre celui qui est dans l’erreur. Ce ne sont plus des forces militaires qu’il affronte, mais l’arianisme* ou le paganisme. Il a la détermination et la persévérance du soldat, se donnant entièrement à son œuvre qui va le conduire à devenir évêque de Tours. Il se lance dans l’évangélisation des campagnes. A la tête d’une troupe de moines, il abat les sanctuaires païens, les arbres sacrés, et montre par des miracles que le Dieu chrétien est plus puissant que les dieux païens.

Né en 1880, Paul Doncoeur est un exemple parmi d’autres de prêtres servant l’armée française pendant le Grande Guerre. Après avoir convaincu son père qui le voyait déjà officier, il entre à la Compagnie de Jésus ayant découvert chez lui une vocation de jésuite, dans une période où le gouvernement français est en conflit avec cet ordre religieux, faisant tout pour l’expulser. C’est pourquoi Paul Doncoeur prend le chemin de l’exil vers la Belgique en 1902. Il est ordonné prêtre le 25 août 1912. A l’heure de la mobilisation générale, les religieux ont la possibilité de retourner en France. De nombreux prêtres sont réquisitionnés ou volontaires pour être aumônier auprès des garnisons, d’autres sont envoyés dans les formations sanitaires. Ca sera le cas du Père Doncoeur qui fait tout pour être auprès des soldats de la 1ère ligne : « Si nous sommes pour les vivants, si vous estimez que vous avez besoin de nous pour les aider à faire leur devoir, à accepter ce que vous leur imposez, laissez-nous les vivants. Laissez-nous vivre, laissez-nous mourir avec eux » dira-t-il au Marechal Foch. Au soir de l’un de ses premiers combats, dans la forêt d’Ourscamps, il est pris sous le feu des mitrailleuses. Il passe la nuit, plaqué au sol, au milieu des morts français. Il rejoint son unité le lendemain matin, accueilli comme un revenant. A partir de ce jour, il se considère comme en sursis. Il racontera aux « Cadets » cette anecdote en ajoutant le mot de Thérèse d’Avila « Si on n’a pas fait une bonne fois le sacrifice de sa vie, on ne sert à rien ». Au fur et à mesure, il s’organise selon une méthode qu’il éprouve. Il recrute et aide les prêtres-soldats, qui le secondent en prenant en charge le soutien spirituel de chaque bataillon, il cherche à discerner et à former des « chefs de file », laïcs, sur lesquels les aumôniers vont pouvoir s’appuyer. Le soldat, apôtre de son frère soldat, est déjà l’application du principe de l’apostolat « du semblable par le semblable », cher à l’Action Catholique. Le premier de ces « chefs de file » se nomme Pierre Gerlier, un sergent qui deviendra par la suite Primat des Gaules. Paul Doncoeur organise une chapelle souterraine, fait des Premières Communions. Le Père Doncoeur a un désir profond de donner du sens, un sens théologique, à la présence, à l’engagement, au sacrifice de ces prêtres. Ils expient, en quelque sorte, « pour que jamais les haines ne renaissent dans le Pays », pour qu’il « fût à jamais impossible qu’un Français méconnut la splendeur de votre Foi et de votre sacerdoce ».

Que notre reconnaissance se manifeste par notre prière en ce jour, pour tous ceux qui ont œuvrés à l’annonce de l’évangile en ces années terribles de 1914 à 1918.

Don Hugues Mathieu + curé

*Arianisme : hérésie du IVème siècle venant du prêtre Arius qui déclare que le Fils a été créé et n’est donc pas l’égal du Père.