« Le succès n’est pas un nom de Dieu »
Ce vieux proverbe repris par le pape Benoît XVI dans une conférence en 2000 présente un visage peu attirant de la vie chrétienne. Faut-il comprendre que le chrétien doit nécessairement connaître l’échec et la souffrance qui l’accompagne pour être digne d’être appelé « chrétien » ? En tous cas, Jésus ne semble pas le contredire : Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.
Ni doloriste, ni masochiste. Jésus ne cherche pas à nous montrer le bon côté de la souffrance, comme si c’était seulement une question de point de vue. L’échec et la souffrance seront toujours un mal pour l’homme. Certains ont cru que le salut pouvait s’obtenir en allant au-devant de la souffrance, en la recherchant de façon doloriste ou masochiste. Ce n’est aucunement le chemin que nous présente Jésus. Au contraire, il prend soin de préparer progressivement ses apôtres au mystère de la croix en l’annonçant plusieurs fois et en ne le dissociant jamais du mystère de la résurrection, même si cette réalité est encore obscure pour eux : … trois jours après, il ressuscite. Jésus conduit même trois d’entre eux sur la montagne de la Transfiguration pour qu’ils soient témoins, avant sa passion et sa mort, de la gloire du Père. Le Seigneur ne demande pas de choisir de souffrir, mais de choisir de vivre et de grandir !
Le choix de la vie. Cela dit, Jésus présente le chemin de la croix comme la voie ordinaire du disciple. La vie, comme la croissance, ne s’obtient pas sans difficulté. Toutes les mères peuvent en témoigner : l’enfant qu’elles ont mis au monde représente pour elles une joie immense, mais est aussi l’aboutissement de nombreux sacrifices et désagréments (les nausées, les jambes enflées, la longue attente, les contractions …). C’est vrai aussi dans la croissance de la vie spirituelle : la joie de la vie divine passe par un combat contre notre orgueil, notre médiocrité, nos convoitises… apprenant peu à peu à recevoir de Dieu et des autres. Le choix de la croix est donc nécessairement lié au choix de la vie en plénitude, et donc au choix de l’amour vrai. Pour qu’il soit authentique, écrit Mère Teresa, l’amour doit coûter. Il en a coûté à Jésus de nous aimer.
Un chemin d’espérance. Le chemin du disciple n’est pas celui du succès immédiat, mais il est celui qui conduit à la victoire définitive. Jésus, en nous enseignant la voie de l’abnégation et du don de soi au nom de l’Evangile, nous donne en même temps la possibilité de vivre une joie indicible, celle de partager sa gloire pour l’éternité (cf. Rm 8, 18). Une telle promesse nous permet mystérieusement de goûter déjà dès ici-bas les prémices de cette joie, même au milieu de grandes détresses. Dans l’histoire du salut, commente Benoît XVI, c’est toujours en même temps Vendredi Saint et Dimanche de Pâques.
En fin de compte, l’Evangile de ce dimanche nous appelle, en ne négligeant pas les difficultés liées à l’engendrement dans la vie de la grâce, à un sain réalisme, tout en étant animé profondément de la joyeuse espérance d’être sauvés. Pour le dire autrement, le chrétien se distingue en vivant les pieds sur terre et la tête au ciel !
Don Antoine Storez + vicaire
Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous.
Un sain réalisme