Entre dire et faire
N’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Le langage de Jésus est ici clair et direct. A la suite du Christ et dans le prolongement de ces prédécesseurs, le Pape François insiste beaucoup sur l’amour hypocrite, celui qui fait semblant, courtois et respectueux en façade, mais fourbe au fond du cœur. Dire et ne pas faire, explique le pape lors d’une de ses homélies matinales à la maison Sainte Marthe, est une tromperie. Dire tout court conduit à la vanité, au fait de faire semblant d’être chrétien. Mais non, on n’est pas chrétien ainsi ! (23/02/16).
Ces paroles sont redoutables pour un prêtre, un catéchiste et toutes personnes désireuses de transmettre l’Evangile de Jésus-Christ dans son entier, avec toute sa beauté et son exigence. Personne ne peut se prévaloir d’une cohérence parfaite entre ce qui est annoncé en chair et ce qui est vécu en réalité. Pour autant, faut-il attendre d’être parfait pour pouvoir annoncer l’Evangile ? Certes, non. Car dans ce cas, le feu allumé par le Christ s’éteindrait brutalement sur toute la surface de la terre. L’histoire de l’Eglise s’arrêterait là et le pouvoir des ténèbres prendrait le dessus. Par ailleurs, l’Evangile, dans son essence même, est fait pour être propagée. Le trésor de l’Ecriture, la loi nouvelle, la foi en la Résurrection ne peuvent pas être qu’une affaire privée. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile s’exclame Saint Paul (1 Co 9, 16) ! Comment donc oser annoncer l’Evangile et éviter le piège de l’hypocrisie ?
La réponse se trouve encore une fois dans la personne même du Christ. Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (Mt 11, 29) explique Jésus aux foules qui le suivent. Voilà le secret du témoin authentique : l’humilité du cœur, première des huit béatitudes prononcées par Jésus sur la montagne (Mt 5, 3). Le diable ne pourra qu’y glisser comme la pluie sur un imperméable. Annoncer l’Evangile ne consiste sans doute pas à exposer une somme de connaissances, comme si nous étions l’unique détenteur de la Vérité, mais à transmettre un trésor que nous avons reçu d’autres, à qui nous avons fait confiance. C’est ce à quoi Jésus nous invite fermement : ce que vous entendez au creux de l’oreille – ce que vous comprenez dans la foi – proclamez-le sur les toits (Mt 10, 27). De cette façon, le missionnaire ne cherche pas tant à briller qu’à apporter la lumière du Christ. Il est convaincu qu’il est le premier concerné par l’enseignement de Jésus, se considérant lui-même comme pécheur.
Cette disposition intérieure du missionnaire se fortifie dans les détails de la vie de tous les jours : le linge à repasser, le couvert à mettre, le courrier à rattraper, les enfants à aller chercher à l’école, les poubelles à sortir, les volets à fermer, la bienveillance pour son voisin de métro, … le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. Ces situations de la vie ordinaire, vécue dans l’humilité, sont autant d’occasion de fuir l’hypocrisie en étant chrétien de la tête au pied, conscient de sa pauvreté, entretenant chaque jour le désir de mieux faire.
Entre dire et faire, comme Saint Thérèse de Lisieux, comptant sur l’aide du Seigneur, nous voulons dire : je choisis tout !
Don Antoine Storez, †vicaire