Edito du 29ème dimanche du Temps Ordinaire

Que rendrai –je ?

Jésus le prononce dans l’évangile, et on le trouve plusieurs fois dans chacune des autres lectures : un verbe revient sans cesse ce dimanche : Rendre. Comme dans « Rendre la monnaie », « obtenir un bon rendement »… Un verbe un peu trop mercantile pour parler de la vie avec Dieu ? Pourtant c’est bien l’appel reçu par sainte Marguerite-Marie : « Apprendre à aimer Jésus, qui me pressait si fort de lui rendre amour pour amour… » Servons-nous donc de ce verbe pour réviser notre vie.

La première tentation, c’est de ne rien rendre ni à César ni à Dieu, de tout garder pour soi, toujours plus. « On ne sait jamais de quoi demain sera fait, amassons par précaution ! » Le monde nous pousse à cela, à garder et à prendre, de toutes nos forces. Or nos mains sont faites pour être ouvertes. Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? (1 Co 4,7). Rendre, c’est déjà reconnaître qu’on a d’abord reçu.

C’est donc un très bon début. Cette monnaie qu’on rend à César désigne aussi tous nos devoirs civils, ce n’est pas rien : nous sommes redevables à la société, nous prenons part à la vie civile comme chrétiens, et en respectons toutes les règles tant qu’elles ne vont pas contre la foi ou contre la justice ; nous nous engageons de mille manières possibles. La première est de transmettre une saine éducation aux générations qui viennent, et d’avoir le souci du monde que nous leur laisserons. Autrement nous gardons pour nous, nous « profitons de la vie » mais nous oublions que les autres ont droit à nos ressources et nos talents. Heureusement on a parmi nous tant de beaux exemples de vies rendues et données… Merci mon Dieu !

Mais une fois rendu ce qu’on doit à la société, quelles sont les monnaies du trésor de Dieu, qui portent l’image de Dieu et qu’il faut lui rendre ? C’est nous-mêmes, comme personnes humaines, qui sommes faits à l’image de Dieu, et c’est donc tout nous-mêmes que nous avons à lui rendre. Tu es homme, ô chrétien. Tu es donc la monnaie du trésor divin (saint Laurent de Brindisi). Rendons-lui grâce, rendons-lui un culte, « tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles ». Rendons-lui notre attention, rendons-lui la place qu’il voudrait tant avoir dans nos cœurs. Rendons-lui notre âme, belle comme il nous l’a donnée au baptême. Rendons-lui l’hommage de notre foi, de notre espérance. Offrez-vous vous-mêmes en offrandes vivantes, dit saint Paul (Rm 12).

Mais alors s’il faut les lui rendre, Dieu nous fait des dons pour nous les enlever ? Non, car Dieu ne garde pas ce que nous lui rendons : il nous le redonne toujours, en encore plus beau, au centuple… Souvent aussi Il en dispose pour faire du bien à d’autres âmes. N’ayons-donc jamais peur de donner trop, de nous « faire avoir ». Puisque Dieu nous rend au centuple tout ce que nous lui avons rendu… A commencer par la messe, ce temps de notre présence par lequel Il nous ouvre l’éternité, et ces modestes offrandes du pain et du vin qui deviennent le Corps et le Sang de Jésus pour notre vie !

Que rendrai-je au Seigneur pour le bien qu’Il m’a fait ? J’offrirai le sacrifice d’action de grâce (Ps 115).

Don Enguerrand de Lorgeril, †vicaire