Edito du 24ème dimanche du Temps Ordinaire

« Prends patience envers moi » (Mt 18)

Si Pierre interroge Jésus sur le nombre de fois nécessaire pour pardonner, c’est sans doute parce que Jésus s’était déjà largement manifesté comme source de miséricorde. Jésus parle régulièrement du pardon dans ses enseignements, et il l’exerce envers de grands pécheurs durant son ministère public. D’ailleurs, le Pape François le souligne dans « Misericordia et miseri » (20 novembre 2016), à l’occasion de la clôture de l’année jubilaire de la miséricorde : « Le pardon est le signe le plus visible de l’amour du Père, que Jésus a voulu révéler dans toute sa vie. Il n’y a aucune page de l’Évangile où cet impératif de l’amour qui va jusqu’au pardon ne soit présent. Même au moment ultime de son existence terrestre, alors qu’il est cloué sur la croix, Jésus a des paroles de pardon : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34) ».
Pierre a bien compris que le pardon n’était pas d’abord et seulement une démarche difficile, mais la base de toute conversion. Il renforce ce lien avec Dieu puisqu’il est une ouverture à son amour. Ce qui fait dire au Pape : «La miséricorde est cette action concrète de l’amour qui, en pardonnant, transforme et change la vie. C’est ainsi que se manifeste son mystère divin. Dieu est miséricordieux (cf. Ex 34, 6) ; sa miséricorde demeure pour l’éternité (cf. Ps 136) ; de génération en génération, elle embrasse toute personne qui met en lui sa confiance, la transforme en lui donnant sa propre vie ». La miséricorde de Dieu est puissante, elle est capable de susciter en nous un changement radical, une course à la grâce, un dégoût grandissant du péché. Dieu travaille dans notre cœur, nous sommes invités à un certain laisser-faire. « Aucun d’entre nous ne peut poser de conditions à la miséricorde. Elle demeure sans cesse un acte gratuit du Père céleste, un amour inconditionnel et immérité. Nous ne pouvons donc pas courir le risque de nous opposer à l’entière liberté de l’amour par lequel Dieu entre dans la vie de chacun », « Si la faute renvoie à la passion du Christ et à sa mort sur la croix, le pardon conduit à la résurrection, à ce chemin de bonheur. Le Saint Père nous encourage alors en écrivant : « La miséricorde suscite la joie, car le cœur s’ouvre à l’espérance d’une vie nouvelle. La joie du pardon est indicible, mais elle transparait en nous chaque fois que nous en faisons l’expérience. L’amour avec lequel Dieu vient à notre rencontre en est l’origine, brisant le cercle d’égoïsme qui nous entoure, pour faire de nous, à notre tour, des instruments de miséricorde ».

Jésus ne veut pas seulement donner une réponse à Pierre sur ce qu’est le pardon, mais il désire que Pierre, comme tous ses disciples, soit instrument de miséricorde. Il leurs a d’ailleurs dit juste avant: « Tous ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel » (Mt 18, 17). Cette invitation vient jusqu’à nous aujourd’hui. Elle concerne les prêtres qui sont ministres de la miséricorde de Dieu de par leur sacerdoce. Ils sont vraiment ceux qui vont délier les cœurs en vue du Royaume des Cieux. Mais cette invitation doit aussi toucher chaque baptisé, chacun avec ses moyens et ses capacités. Pour être capable de pardonner autant de fois que nécessaire, il faut être grand ouvert à la miséricorde de Dieu pour être miséricordieux. C’est le souhait du Pape François : « Nous sommes appelés à faire grandir une culture de la miséricorde, fondée sur la redécouverte de la rencontre des autres : une culture dans laquelle personne ne regarde l’autre avec indifférence ni ne détourne le regard quand il voit la souffrance des frères. Les œuvres de miséricorde sont « artisanales » : aucune d’entre elles n’est semblable à une autre ; nos mains peuvent les modeler de mille manières et même si Dieu qui les inspire est unique, tout comme est unique la « matière » dont elles sont faites, à savoir la miséricorde elle-même, chacune acquiert une forme différente ».

En ce début d’année pastorale, demandons tout simplement de grandir en miséricorde, désirons la grâce d’une plus grande attention aux autres, à tous les autres.

Don Hugues, †curé