2ème Dimanche de Carême

Quitte ton pays !

Au cours de l’année 2019, le nombre de pèlerins aurait augmenté de façon générale, surtout en Terre Sainte, premier lieu de pèlerinage mondial, selon le bureau franciscain des pèlerins1. Mais sans même partir bien loin, l’Eglise, consciente qu’elle est toujours en chemin vers son Seigneur, se considère sur terre en pèlerinage. Le temps du Carême est aussi en lui-même un pèlerinage intérieur qui nous rapproche de la source. Depuis le mercredi des Cendres, nous sommes donc ce peuple itinérant, marchant vers une Terre Promise. Mais comme tout bon pèlerin, il convient de se poser quelques bonnes questions pour poursuivre notre route…

Quel est le but final ? Ne partons pas en pèlerinage « bille en tête » sans savoir où nous allons. Vers quoi sommes-nous en train de marcher ? Vers quelle Terre Promise ? Jésus, dans l’Evangile de ce dimanche, apparaît dans la lumière de sa gloire, son visage brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Il n’est pas en train de faire un show pour épater ses apôtres. Il se révèle tel qu’il est, dans la splendeur de sa divinité, pour les préparer à surmonter l’épreuve du calvaire. Cette révélation correspond si bien à leurs aspirations profondes, que Pierre voudrait que ce moment se prolonge : Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! C’est bien Jésus luimême notre Terre Promise. Mais pour l’heure, il faut marcher. Marcher, c’est avoir le courage de se laisser purifier par le Seigneur de toutes recherches de nousmêmes, de faire la lumière sur ce qui nous retient loin de lui et de remettre nos péchés en bloc à sa miséricorde. Notre Terre Promise, c’est la vie avec le Ressuscité ; c’est la douce consolation d’avoir choisi le bon maître et d’être victorieux avec lui, plus humbles, plus détachés, plus ardents et plus capables pour des tâches plus profondes que nous l’étions avant de commencer ce pèlerinage.

Quelle route prendre ? Savoir où aller est une chose, une autre est de savoir comment nous y allons. La voie indiquée, c’est le Christ lui-même encore une fois, dans sa pauvreté et son esprit de foi. Suivre Jésus, c’est accepter une certaine forme de dépouillement, vivre une plus grande simplicité dans la relation aux autres et dans le style de vie. Comme Abraham, le pèlerin quitte son pays, sa parenté et la maison de son père, c’est-à-dire des sécurités et un certain confort. Sortons, sortons pour offrir à tous, la vie de Jésus-Christ, rappelle le Saint-Père dans la joie de l’Evangile (GE 49). Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Le carême, en nous arrachant à l’enlisement d’une vie facile par nos privations volontaires et par l’acceptation des contrariétés et des imprévus, est un appel à se dépasser. Il nous oblige à réviser notre échelle de valeur, à distinguer l’essentiel de l’accessoire. Ce pèlerinage peut nous faire sentir nos limites, mais nous révèle aussi nos possibilités cachées en Dieu. C’est quand on se trouve dépouillé de tout que l’on se tourne enfin vraiment vers le Père des Cieux, comme le peuple hébreu dans le désert, et que l’on peut expérimenter profondément son amour.

Ne craignons pas de vivre pleinement ce temps du carême comme un pèlerinage, les yeux fixés sur JésusChrist, sur sa croix et sa Résurrection, bien décidés à nous donner un peu plus à lui. Le Seigneur a quelque chose à dire à chacun et a soif de nous donner beaucoup !

Don Antoine Storez, + vicaire

1 https://www.cath.ch/newsf/terre-sainte-nombre-recordde-pelerins-et-de-touristes-en-2019/