Ami oui, sans-gêne non !
Malheur à moi ! je suis perdu !
Dieu révèle sa gloire, sa puissance, sa majesté au prophète Isaïe. Cette manifestation de la présence divine est grandiose et terrifiante : tout tremble, le Temple se remplit de fumée, les séraphins crient la gloire de Dieu. Devant une telle vision, Isaïe est terrifié. Lui, homme misérable, a vu le Roi de gloire, le Seigneur de l’univers, le Maître de tout.
Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur !
Cette même terreur s’abat sur Pierre qui reconnaît en Jésus le Maître de la Création, capable d’opérer une pêche miraculeuse. Pourtant, cette fois-ci, le décor est moins impressionnant. Il n’y a pas de séraphins, pas de fumée, pas de trône. Mais Pierre a reconnu son Seigneur et cela lui suffit pour exercer la grande vertu de religion : il est saisi d’effroi de se retrouver aussi proche de Dieu. Il n’a pas le cadre grandiose de la vision d’Isaïe, mais il adopte la même attitude révérencieuse.
Isaïe et Pierre sont-ils plus misérables et peureux que nous ?
Il n’y a pas de raison de le penser… Mais s’ils ont éprouvé une crainte religieuse en présence de Dieu, ne devrions-nous pas, nous aussi, éprouver une crainte semblable ? Lorsque nous chantons le Sanctus à la messe, c’est la vision d’Isaïe qui se reproduit mystérieusement. Nous reprenons les mots des anges : Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire. Dieu entre dans son temple de gloire, se rend présent sur l’autel, et nous ne serions pas saisis d’effroi ? Dieu est là, et cela ne nous ferait rien ?
Ami oui, sans-gêne non !
Peut-être objectera-t-on que cette conception d’une crainte religieuse est dépassée. Il n’en est rien. Elle est plus que jamais nécessaire ! Pour comprendre la merveille que représente la proximité de Dieu par son incarnation, par sa visite dans les sacrements, il faut avoir une juste idée de sa grandeur, de sa majesté. Les apôtres, pétris des Saintes Écritures, étaient familiers de cette crainte religieuse. Le chrétien du XXIème siècle doit la redécouvrir, sans cela, il n’est pas un ami du Christ mais un sans-gêne.
Redécouvrir la vertu de religion
La vertu de religion nous permet d’être à notre place face à Dieu. C’est justice que de rendre un culte à Dieu, de le reconnaître supérieur à nous et de le manifester par notre attitude. Nous témoignons à Dieu honneur et révérence non pour lui-même, parce qu’en lui-même il est plein d’une gloire à quoi la créature ne peut rien ajouter, mais pour nous-mêmes ; car révérer Dieu et l’honorer, c’est en fait lui assujettir notre esprit, qui trouve en cela sa perfection. Toute chose en effet trouve sa perfection dans la soumission à ce qui lui est supérieur. (S. Thomas d’Aquin)
Don François-Xavier Pecceu + vicaire