Il est bon que nous soyons ici !
Le deuxième dimanche de carême, l’Eglise nous donne de méditer sur un événement pour le moins étrange de la vie du Christ : la Transfiguration. Avec cette lumière indescriptible qui survient du Christ lui-même, la nuée mystérieuse et la voix qui se fait entendre, le récit semble inondé de phénomènes surnaturels qui peuvent nous dérouter. En quoi ce récit de la Transfiguration peut-il concerner ma vie présente ?
Ce n’est pas anodin si la liturgie, chaque année, nous fait passer, du premier dimanche de carême au deuxième, du combat singulier entre Jésus et Satan dans le désert à la montagne de la Transfiguration. Entre le mercredi des cendres et le matin de Pâques, l’Eglise, maternelle, soucieuse de ses enfants, tout en donnant le ton, nous aide ce dimanche à lever la tête en nous dévoilant le sens profond de notre carême, et même de notre vie chrétienne.
Faute de vision, le peuple se relâche annonce le livre des Proverbes (Pr 29, 18). Selon notre capacité à nous projeter dans l’avenir, notre motivation dans le moment présent, dans les diverses tâches du quotidien, sera en effet différente. Un artisan qui taille une pierre en vue de construire une cathédrale majestueuse s’adonnera à sa tâche avec plus d’énergie et de persévérance qu’un autre dont le seul but est de gagner son pain.
Or notre avenir, pour une grande part, nous échappe. Nul ne peut dire exactement de quoi est fait le futur, même proche. Il suffit d’un imprévu pour s’en rendre compte ! Il faut reconnaître que nous marchons à tâtons, dans l’obscurité d’un monde marqué par le péché. Alors, on ne pense pas trop à l’avenir ; on paresse ou on s’active pour échapper à l’angoisse. Mais le Christ, comme un encouragement à notre conversion encore possible, nous ouvre ce dimanche une fenêtre extraordinaire sur l’avenir de celui qui marche à sa suite : être, comme Pierre, Jacques et Jean, présents physiquement, âme et corps, dans la lumière divine pour l’éternité. Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! La réaction spontanée de Pierre témoigne de la paix profonde qu’il expérimente lors de cette apparition inattendue.
Cette page d’Evangile nous aide à prendre de la hauteur pendant ce carême. Quelle « vision » ai-je au début de cette quarantaine un peu particulière ? Une vision purement formaliste (« je fais ce que l’Eglise me demande, un point c’est tout »), efficace (« c’est une occasion d’accroître ma performance personnelle ») ? Une vision à court terme (« une pénitence après l’autre »), à moyen terme (« dans quelques jours, nous fêterons l’Annonciation »), à long terme (« ce jour est un jour pour aimer ; il a un poids réel d’éternité ») ?
Le Christ transfiguré laisse passer une lumière si puissante qu’elle éclaire tout notre carême. C’est bien cette profonde et authentique expérience de Dieu que nous voulons vivre à Pâques et pour l’éternité. Seigneur Jésus, Fils du Dieu vivant, présent dans le Saint-Sacrement, donne-nous cette semaine un rayon de cette lumière divine et rend notre regard assez pur pour le voir !
Don Antoine Storez +, vicaire