Craignez, mais n’ayez pas peur !
C’est ainsi que le prédicateur de la Maison Pontificale, le père Raneiro Cantalamessa, résume l’Evangile de ce dimanche, mettant ainsi en évidence son aspect paradoxal. A la fois Jésus nous encourage à ne pas craindre – nous valons plus qu’une multitude de moineaux aux yeux du Seigneur – et nous demande de craindre ce qui peut nous faire périr dans la géhenne. Comment bien comprendre cette double recommandation du Seigneur de craindre sans craindre? Peut-on parler d’une «bonne crainte» et d’une «mauvaise crainte»?
Souvent le mot «crainte» a dans nos esprits un sens d’abord négatif. Nous l’assimilons plus spontanément à la peur, c’est-à-dire à une réaction provoquée par un danger réel ou présumé qui menace notre vie. Il y a des peurs très localisée, liée à une situation précise (par exemple, la peur provoquée par la traversée inattendue de la route par un chevreuil alors que je suis au volant d’une voiture). Ces peurs sont en fin de compte très passagères. Mais nous pouvons aussi avoir des peurs que nous portons depuis longtemps: la peur d’un échec, la peur de ne pas être à la hauteur, la peur des foules, la peur de la souffrance, etc. Ces peurs sont mauvaises car elles sont paralysantes et nous empêchent de nous déployer dans notre humanité. Comment s’en libérer
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme. Jésus nous aide à nous en libérer en nous expliquant que ces peurs sont en fait relatives quand on sait qu’une partie de nous est inviolable: notre âme immortelle. Ainsi, celui qui s’appuie sur le Seigneur, même s’il traverse des tempêtes, est sûr d’être vainqueur. C’est ce que nous enseigne aussi le prophète Jérémie dans la première lecture : Le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable: mes ennemis trébucheront, ils ne réussiront pas (Jr 20, 11).
L’Ecriture précise cet antidote contre la crainte paralysante en parlant d’une autre crainte, bonne cette fois, comme une chose que l’on doit apprendre. Venez mes fils, écoutez-moi, dit un psaume, que je vous enseigne la crainte du Seigneur (Ps 33, 12). Cette bonne crainte est celle de blesser l’être aimé, de gâcher l’amour qu’il nous donne en abondance. Le Pape François l’explique lors d’une catéchèse: Elle est un don de l’Esprit qui nous rappelle combien nous sommes petits devant Dieu et devant son amour, et que notre bien se trouve dans l’abandon entre ses mains, avec humilité, respect et confiance. En d’autres termes, la crainte de Dieu est la reconnaissance de la toute-puissance paternelle de Dieu; elle inspire la confiance.
Ainsi, crainte de Dieu et confiance semblent aller de pair: l’une appelle l’autre et réciproquement. Plus la crainte de Dieu diminue, plus la peur des hommes augmente! Quand nous oublions Dieu, nous transférons notre confiance vers des réalités terrestres qui finissent toujours par nous décevoir: notre argent, notre réputation, notre carrière, notre confort, … bref des choses que le monde ambitionne et pour lesquelles il est prêt à se battre, suscitant ainsi angoisses et amertumes. Au contraire, là où des hommes craignent Dieu comme des fils craignent leur père, en le priant, le louant, et en le prenant au sérieux, la confiance et l’audace missionnaire sont présentes. C’est ce que nous pouvons souhaiter pour notre paroisse et le demander comme une grâce !
Don Antoine Storez, †vicaire