« Tout le monde te cherche ».
En France, la semaine passée, émeutes autour du Nutella. On se bouscule, on s’empoigne, on se piétine, pour bénéficier de la promotion à -70% 1. Scandale pour les uns (Oh les mal-élevés !), consternation pour les autres (c’est plein d’huile de palme !), analyse critique en haut-lieu (si le taux de chômage n’était pas si élevé, et le pouvoir d’achat si bas, peut-être que les familles au budget modeste pourraient envisager plus sereinement de gâter quelquefois leurs enfants )…
Mais, au fait, pourquoi ne dévalisent-t-ils pas les rayons habituellement ? Parce qu’ils n’en ont pas les moyens, et ils s’y sont résignés.
Penser qu’on n’est pas autorisé à désirer quelque chose qui nous tient très à cœur, parce qu’on n’en a pas les moyens ? Plus courant qu’on ne le pense. Et je ne parle pas ici de désirs illégitimes ou irréalistes, mais des plus puissantes aspirations du cœur humain. L’homme est pris en tenaille : son désir de vivre l’aiguillonne en permanence, et vivre vraiment n’est pas à sa portée. Certains échecs sont alors fatals. On finit par ne plus rien désirer du tout. Plus souvent, le désir impossible se change en ressentiment, en plaintes, en immense chagrin, avec lequel on essaie de se lever tous les matins. Ce mal que le pape appelle « la psychologie de la tombe » a déjà mordu secrètement nos contemporains.
Dans l’évangile, se produit un immense réveil au contact de Jésus. Avec lui, quelque chose d’inaccessible est mis à la portée des gens. La délivrance des tourments des esprits. La guérison des corps. Une certitude au-delà des tâtonnements angoissés. Un amour au-delà des affections passagères et des fautes passées. Une vie au-delà du cimetière. C’est pour cela qu’ils encombrent les rues de Capharnaüm, l’entrée de sa maison, qu’ils se précipitent sur lui, s’arracheraient son vêtement… « Tout le monde te cherche », lui dit Pierre.
Aujourd’hui, c’est toujours aussi vrai. Tout le monde cherche la vie véritable, celle qui est « auprès du Père », celle qui est « en abondance ». Mais la plupart sont résignés à une vie sans but, sans main secourable, sans lumière, sans Dieu. Ils ignorent que cela a été mis à leur portée. Ils ne connaissent pas la signification des deux noms du Sauveur : Jésus et Emmanuel. « Dieu sauve » et « Dieu avec nous ».
Qu’est-ce que le Seigneur attend de nous ? Que nous ne passions pas une journée sans avoir réveillé l’espérance en Dieu chez quelqu’un, en lui disant par exemple : « lorsque tu pries, que tu invoques le nom de Jésus, l’oreille de Dieu est sur ton cœur. Fais-lui confiance, il agira. Mets toute ton espérance en lui, tu verras . »
« Une fois que nous avons connu la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de ne pas la recevoir ; une fois que nous l’avons reçue, nous n’avons pas le droit de ne pas la laisser s’incarner en nous, une fois qu’elle s’est incarnée en nous, nous n’avons pas le droit de la garder pour nous : nous appartenons dès lors à ceux qui l’attendent » (Madeleine Delbrêl).
Don Guillaume Chevallier +vicaire
1 L’opération étant terminée, inutile de vous précipiter au supermarché : vous pouvez poursuivre tranquillement la lecture de cet édito et vous concentrer sur le vrai sujet.