« Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? »
Même si nous savons que cet évangile n’est pas un traité d’économie, la parabole bien connue des ouvriers de la dernière heure choque à bon droit nos conceptions de justice humaine et d’équité. A vrai dire, c’est plutôt une bonne chose : pour une fois, nous n’entendons pas la Parole de Dieu comme un joli texte bien connu, sans grande conséquence ; mais, comme les contemporains de Jésus, elle nous dérange, et (pourquoi pas) nous énerve. Cela nous oblige à vraiment l’écouter, jusqu’à la conclusion que lui donne Jésus. Celui-ci met dans la bouche du maître de la vigne deux paroles : il donne ses biens largement à qui il veut, et il est bon. C’est ce dernier point qui lui sert de pivot pour à son tour interpeller l’ouvrier mécontent : d’où vient la source de sa frustration un peu mesquine ? De la bonté du maître, ou de la méchanceté dans son propre regard ?
C’est la question étrange qui nous est posée par cette parabole, qui retourne complètement ce qu’on attendrait d’une discussion normale. Je suis renvoyé à ma conscience : au fond, d’où découlent mes jugements sur Dieu, sur son action et sur les autres ? D’un cœur étroit, marqué par la frustration et l’envie, ou d’un cœur large qui cherche à entrer dans la bonté et la joie du Maître ? Et quel est l’effet de l’action de Dieu en faveur de mon prochain dans ma propre conscience : est-ce que je me réjouis avec lui de la grâce donnée largement à ceux qui la demandent, ou est-ce que je rentre dans une logique comptable et sèche ?
Tout tourne autour du regard : puissions-nous avoir un regard bon, qui élève et voit en chacun la grâce et la promesse de croissance, plus qu’un regard qui abaisse, conteste et jalouse !
Don François Doussau + prêtre